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CORONAVIRUS : le droit de visite et d'hébergement des grands-parents - Décret du 23 mars 2020

Le 24 mars 2020
Confinement et droit des grands-parents de voir leurs petits enfants

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Jean et Jeannette sont les grands parents de Pierre-Kévin et Ashley.

Il a été compliqué de maintenir le lien lorsque leur fils a divorcé, car la résidence principale des enfants a été fixée auprès de la mère, Ariana, leur ex-belle-fille, avec qui les relations ont toujours été tendues.

Leur horizon s'est dégagé lorsque leur avocat leur a fait découvrir la multitude des possibles qu'offrait le magnifique article 371-4 du code civil :

"L'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit. 

Si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non."

Aucun accord amiable n'ayant pu être trouvé, Jean et Jeannette ont obtenu du juge aux affaires familiales une décision qui leur accordait un droit de visite et d'hébergement le 4eme week-end du mois, du vendredi soir sortie des classes au dimanche soir, à charge pour eux de ramener Pierre-Kévin et Ashley chez leur mère.

Las! Sans surprise, Ariana prend prétexte du confinement de ce mois de mars 2020 pour leur annoncer d'ores et déjà que le droit de visite de ce mois est suspendu.

Jean et Jeannette ne savent pas s'ils peuvent lui opposer le jugement et exiger son exécution.

La situation étant inédite et l'encadrement législatif étant très évolutif, la réponse de l'avocat le sera tout autant.

1) Le décret du 16 mars 2020, puis le décret du 23 mars 2020, ont permis un certain nombre de déplacements dérogatoires. Sur le plan juridique, cette preuve que l'on se constitue à soi-même est des plus fascinantes, mais bon, passons.

Parmi ces déplacements dérogatoires figure de façon inchangée l'hypothèse suivante : 

" Déplacements pour motif familial impérieux, pour l'assistance aux personnes vulnérables ou la garde d'enfants"

C'est dire que les mesures prises dans le cadre de la crise n'impactent pas le droit de visite et d'hébergement fixé judiciairement.

Il sera tout de même vivement conseillé à Jean et Jeannette de se munir de leur jugement, qu'ils présenteront aux forces de l'ordre lors d'un éventuel contrôle, en même temps que l'attestation de déplacement dérogatoire datée et signée par leurs soins.

2) La raison doit également garder sa place dans notre analyse.

Les personnes âgées sont plus vulnérables, et particulièrement au COVID 19. A l'inverse, les enfants semblent être de vrais champions de l'immunité et des versions a-symptomatiques de la maladie.

La cohabitation de ces deux générations n'est pas forcément dans l'intérêt des grands-parents. 

Il est cependant de notre devoir de veiller à ce que cette suspension du droit de visite et d'hébergement ne soit pas l'outil qui permettra à Ariana d'évincer Jean et Jeanette de la vie de leurs petits-enfants Pierre-Kévin et Ashley.

A cette fin, ces grands-parents seront nous semble-t-il bien fondés à demander que ce DVH se transforme en quelques heures au cours du week-end à communiquer par Skype, Whatsapp (vidéo), ou tout autre média adapté.

Si Ariana le refuse sans motif valable, Jean et Jeannette garderont la trace écrite de leurs demandes réitérées. Cette preuve de leur difficulté à faire valoir leurs droits pourra leur servir face au juge lorsque les juridictions fonctionneront de nouveau.

3) En réalité Jean et Jeannette accordent peu d'intérêt à leur propre santé et souhaitent faire venir leurs petits-enfants auprès d'eux. Ils habitent à une heure de navette de Pierre-Kévin et Ashley, qui ont l'habitude de faire ce trajet avec eux.

D'abord, c'est une très mauvaise idée de tomber malade aujourd'hui car, qu'on le veuille ou non, on ira encombrer des lits d'hôpitaux. C'est bien peu civique lorsque le risque était connu et pouvait être évité.

Ensuite, se pose la question du conflit entre le droit de visite et d'hébergement des grands parents et les instructions sanitaires des pouvoirs publics.

Si Jean et Jeannette habitaient à quelques rue du domicile d'Ariana, le jugement pourrait être exécuté sans difficulté.

En revanche, la perspective d'un déplacement en transport public avec les enfants, fait courir des risques à tout le monde, enfants compris.

Il est donc déconseillé d'exiger l'exécution du jugement dans de telles circonstances.

4) Si Jean et Jeannette ne choisissent pas le parti de la raison, et qu'Ariana ne cède pas, ils pourront toujours aller signaler les faits à la gendarmerie. 

Sur le plan juridique stricto sensu, ils ne sont pas forcément en tort. Mais il ne sera pas compliqué pour Ariana, après la crise, de démontrer au juge qu'ils ont choisi de faire primer leur intérêt sur celui des enfants, en profitant d'un cadre juridique incertain car s'adaptant au jour le jour à une situation sans précédent.

Le juge aux affaires familiales, qui ne juge que dans l'intérêt des enfants, ne manquera pas d'en tirer les conséquences.

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Fort de France, le 24 mars 2020

Céline Campi pour le cabinet FOURGOUX-BOUCAR & CAMPI