RUPTURE DE CONCUBINAGE : des dommages et intérêts peuvent-ils être réclamés?
Voici le cas à peine romancé d'un dossier que nous avons eu à traiter au cabinet.
Paul et Virginie vivent en concubinage depuis plus de 20 ans. Ils ne sont donc ni mariés ni même pacsés.
Trois beaux enfants sont nés de cette union. Paul gagne très bien sa vie, Virginie ne travaille pas. Avec un seul salaire ils vivent cependant très confortablement.
Le couple s'abîme et Paul décide mettre fin à la relation. Il laisse à Virginie le temps de trouver une maison. Son choix s'arrête sur une petite maison dans un quartier résidentiel. Paul en paie les mensualités pendant un an. Il paie également toutes les dépenses liées aux enfants.
Virginie, méritante, a immédiatement cherché un emploi. Elle en a trouvé un, mais très modestement rémunéré.
Lorsque Paul cesse de régler les mensualités, elle ne peut que constater la dégringolade de son niveau de vie.
Elle assigne Paul devant le Tribunal de Grande Instance en paiement de dommages et intérêts pour rupture du concubinage, au visa des articles 1231 et suivants du code civil, autrement dit sur le fondement de l'inexécution contractuelle.
Sa thèse est en effet de considérer qu'il existait une convention de concubinage et que celle-ci a été rompue brutalement, ce qui entraînerait selon la requérante un droit à des dommages et intérêts.
Sauf que de convention, il n'y en avait point, et que même si une convention peut-être tacite, elle ne se présume point. C'est-à-dire qu'il faut apporter la preuve de l'existence d'une telle convention.
En l'espèce tel ne fut pas le cas, car en réalité les concubins n'avaient pas souhaité organiser leur concubinage et encore moins leur rupture.
La rupture du concubinage est libre, la seule limite étant la faute délictuelle. Mais cette faute ne peut résider dans le principe même de la rupture, sinon cela reviendrait à entraver une liberté de rompre qui est pourtant le choix des parties (sinon elles auraient fait le choix de se marier et de choisir un régime plus protecteur).
La faute est strictement encadrée et un examen au cas par cas de chaque dossier permet de déterminer si une faute peut être excipée ou pas.
En l'espèce, Paul a adopté un comportement raisonnable en pareille circonstance, laissant du temps, aidant financièrement le temps de la réinstallation, et assumant les obligations liées à l'exercice conjoint de l'autorité parentale.
Le Tribunal a suivi notre raisonnement en indiquant que les arguments de la requérante portant sur la baisse de son niveau de vie relevaient de débats propres à la prestation compensatoire. Or point de prestation compensatoire en dehors d'un divorce. Et il n'est pas possible de réécrire l'histoire : un concubinage, aussi long soit-il, n'est pas un mariage.
En conclusion, chacun doit être vigilant à ses choix de vie et plus précisément au cadre juridique les régissant. La liberté d'un concubinage offre beaucoup d'avantages, mais n'est pas protectrice de la partie la moins fortunée en cas de séparation. L'office du juge n'est pas de revenir sur des choix qui ont été effectués en toute liberté, au motif que l'une des parties regrette ce choix au moment de la séparation.
Fort de France,
Le 15 avril 2019
Céline Campi pour le Cabinet FOURGOUX-BOUCARD & CAMPI - Avocats Associés
Cabinet dédié au droit de la famille, de la personne et de son patrimoine
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